Derrière les fourneaux des restaurants de Varsovie, un régime alimentaire a le vent en poupe : le véganisme. Les traditions culinaires comme les plats les plus basiques sont revisités dans les établissements modernes et épurés de la capitale.
En retrait de l’effervescence de Varsovie, dans une petite ruelle à quelques pas du centre historique, se cache un petit repère de végans. Dans le restaurant « The Botanist », une ambiance zen et intimiste se dégage.
Les plats et les boissons sortent de la cuisine pour être déposés sur les tables joliment fleuries. Dans ce restaurant ouvert en juin 2020 par Tomasz Wozniakowiski, la verdure recouvre aussi bien les murs que les assiettes.
Dans les plats, il n’y a aucun produit d’origine animale. Du vin aux burgers en passant par les desserts, Tomasz ne propose que des produits végans pour une cuisine « sophistiquée ».
Ici, tout est revisité pour correspondre à un régime qui ne contient aucun œuf, lait, miel, beurre ou autres produits de provenance animale. « Nous avons travaillé avec un chef spécialisé afin de créer ce menu. » Les steaks sont donc remplacés par de grosses tranches de choux-fleurs grillées qui croquent sous la dent. Et les burgers sont composés d’une galette végétale, qui imite le goût de la viande. Mais le plus étonnant reste le fromage fait de lait d’amandes ou de coco. Si la texture reste la même, les amateurs de vrais fromages ne se laisseront pas avoir par le goût.
Mais ce ne sont pas les omnivores ou les végans que Tomasz cherche à attirer dans son restaurant, mais les flexitariens, ceux qui tentent de réduire leur consommation de viande. « J’essaye d’attirer une clientèle qui souhaite découvrir de nouvelles saveurs », affirme le directeur.
Patricia, une jeune Polonaise de 31 ans, est conquise. Sur la table, l’assiette est vide et nettoyée de toute sauce : « J’ai commandé les pâtes carbonaras et j’en suis ravie. J’ai retrouvé les mêmes saveurs et textures que dans des vraies. » Pour son petit ami Guillermo, originaire de Bolivie, la Pologne est le paradis des véganes. Il voyage énormément, mais à souvent du mal à se nourrir et surtout à bien manger. Mais en Pologne : « La tâche est simple ».
Les restaurants de Pologne modifient leurs cartes
Varsovie est classée 9ᵉ ville la plus « vegan friendly » en 2022 par Happy Cow, la bible du véganisme, juste derrière Bangkok et Amsterdam. Et les restaurants s’adaptent à cette demande grandissante.
Sur les menus des établissements à Varsovie, une petite feuille est souvent présente, signe d’un plat sans protéine animale. La cuisine du monde, comme traditionnelle polonaise, s’adapte à un régime alimentaire sans viande. C’est le cas de « Pierogi and More ». Dans le centre de Varsovie, cet atelier de cuisine ne tourne qu’autour d’un produit : le pierogi. La recette de ces petits raviolis polonais se transmet depuis le 13ᵉ siècle de famille en famille. Ouvert depuis 2019, l’atelier accueille de nombreux touristes en quête de découverte ainsi que des Polonais qui eux cherchent à approfondir ou à adapter les recettes de grand-mères.
Sur le plan de travail, la base de la recette est simple : de l’eau, de la farine et de l’huile. Traditionnellement, ces raviolis sont farcis à la viande, porc, poulet, ou aux légumes, champignons, carottes. Et les participants ont le choix : pierogi à la viande, végétariens ou vegan.
« Proposer ces options permet aussi aux personnes qui mangent de la viande de découvrir d’autres saveurs et d’autres manières de cuisiner » , explique Maria Oskroba à l’origine du lieu. Mitch, un Américain de 27 ans, a cuisiné des pierogi au poulet. Mais finalement c’est dans l’assiette de sa compagne, qu’il picore des raviolis végétariens au fromage. « Humm, c’est délicieux. »
Des repas sans viande jusque dans les traditions
Outre les pierogis, emblème de la cuisine polonaise, ce sont toutes les traditions culinaires qui sont déclinées sans viande. En Pologne, de petites cantines appelées « bar à lait » sont présentes où que l’on aille. Dans ces cantines aux airs soviétiques, la rapidité est sans faille et les prix très bas, entre 3 et 5 € le plat. Tout le monde y a accès, de l’entrepreneur pressé à la mamie qui veut retrouver le goût de son enfance, en passant par les adolescents qui sortent de cours.
Kamil Hagamajer est connu localement comme le « roi des bar à lait ». Avec six restaurants à son actif, il a ouvert « Wegetarianski bar mleczny », une nouvelle enseigne qui ne propose que des plats polonais végétariens. Dans ce nouveau concept, il vise principalement les jeunes. « Ils font plus attention à leur alimentation et surveillent d’où viennent les produits. Ils sont également mieux éduqués et plus conscients des bouleversements climatiques », confirme le patron.
Pour Kamil, ouvrir un restaurant traditionnel sans viande n’a pas été très compliqué : « Nos traditions culinaires sont pour la plupart végétariennes. Je n’ai pas trop perdu mon temps à réinventer des recettes, je les ai juste mises au goût du jour. » Les pierogis sont donc aux légumes ou au fromage, les ragoûts remplacés par des pois chiches et le chou sous toutes ses formes est le roi de ce restaurant. « Nous avons énormément de soupes dans notre culture, des soupes de choux, de tomate ou des bouillons et tous sont végétariens », affirme l’entrepreneur.
Un business autour des veggies
Les restaurants ne sont pas les seuls à s’être emparés de ces nouveaux régimes sans viande. L’effet de mode devient un vrai business pour les entreprises de l’agroalimentaire. Maciej Otrebski, chargé de consulting chez « Roslinniejemy », essaye de guider les entreprises dans leur transition « veggie ». Elles sont nombreuses à vouloir franchir le pas, attirées par cette nouvelle clientèle mais à ne pas trop savoir comment procéder. « Je conseille à mes clients de créer des produits qui ont du goût, qui sont nutritifs, mais surtout de faire attention aux compositions des produits et à la qualité », détaille le trentenaire.
Tomasz Wozniakowiski ne propose pas encore ses steaks de chou-fleur au grand public. Mais le propriétaire du restaurant « The Botanist » vient de lancer une gamme de viande sans viande dans les supermarchés : émincé de faux-poulet, brochettes. Le tout à base de lait d’amande et de produits végétaux. Avec ses produits, c’est tout un marché que Tomasz compte conquérir, face à de nombreux concurrents sur la ligne de départ.